top of page

Coucher de soleil, arête sud du Roc des Boeufs

Photo du rédacteur: Baptiste LocatelliBaptiste Locatelli

Pour les 37 ans de Julien, Hélène voulait offrir à son mari une sortie en montagne, quelque chose de vertical, sur du rocher, pas trop loin de Lyon... Notre échange nous avait conduit à choisir cette course d'arête rocheuse, qu'ils pourraient faire ensemble, elle étant moins grimpeuse et ne voulant donc pas le ralentir.

Pour des raisons de garde d'enfant, la date était donc arrêtée au 21 juillet, avec une nuit à proximité la veille, pour raccourcir le trajet.

Mais une fois de plus, la météo est venue jouer avec nos plans ! Au terme d'une semaine de temps beau et chaud, une perturbation pluvio-orageuse est venue balayer le pays à partir de dimanche matin. Quelle déception ! L'hôtel booké, les baby-sitter pour les deux enfants aussi... Au-delà du fait que j'allais devoir annuler du travail, j'étais surtout déçu pour ce couple qui se voyait volée par la pluie, l'occasion de partager un moment en montagne à deux. Après avoir écarté quelques plans B tous moins séduisants les uns que les autres, je décide de prendre le contrepied de la situation, et suggère à Hélène d'avancer un peu les baby-sitter, pour se donner rendez-vous à 17h à Mont-Derrière, le hameau de Bellecombe-en-Bauges au pied de l'arête sud du Roc des Boeufs. Le créneau sera bon, à moins que les orages de soirée qui remontent du sud-ouest ne pointent leur nez au milieu de notre traversée, ce qui pourrait être dramatique.

Tout roule, les agendas se réorganisent, et je retrouve donc mes deux Lyonnais à l'heure dite au parking. Le ciel est bleu, pas un nuage à l'horizon, peut-être seulement une vague traînée grise loin sur le massif central. Nous nous équipons et remontons en direction du col de la Frasse, seuls en cette belle fin de journée. Dans la montée à travers champs pour aller rejoindre le flanc est du Roc des Boeufs, nous surprenons un renard qui s'enfuit, et un chamois qui nous observe depuis un promontoir rocheux. Nous avançons bien, à 18h30 nous mettons pied sur l'épaule, le paysage s'ouvre autour de nous en quittant la forêt. Au sud, nous apercevons la Chartreuse, et derrière le Grand Pic de Belledonne. Plus à l'est, le Mont Pourri en Vanoise commence à pointer son nez au-dessus des sommets des Bauges. Enfin au nord-est, c'est le massif du Mont Blanc qui est encore baigné de soleil. On distingue bien l'aiguille du Goûter, le Dôme, le sommet du Mont Blanc...toute la voie normale française depuis le refuge de Tête Rousse. C'est drôle, la semaine dernière j'y étais. Et devant nous, c'est la Tournette qui trône fièrement, surplombant le lac d'Annecy. Le Roc des Boeufs est fidèle à sa réputation : un magnifique belvédère rocheux avec un panorama sur les Préalpes et Alpes du Nord.

La traversée est ludique, alternant entre marche sur arête, effilée et vertigineuse ou rassurante et confortable, bordée de pins. Puis ce sont de grands murs de calcaire gris, sculpté, tranchant, avec de belles canelures. Le niveau d'escalade n'est jamais difficile, tout se fait en chaussures de randonnée, mais la prise de hauteur procure déjà des sensations ! Et c'est une bonne introduction à la grimpe pour des débutants. A force de parcourir cette arête, j'en connais maintenant tous les passages clés, chaque pas d'escalade qui ponctue notre ascension. Ce sont les chapitres de notre course. Où trouver une prise cachée, comment coincer le pied dans cette fissure... je m'amuse à les grimper, j'essaye de briefer mes clients au mieux pour qu'ils les passent avec le moins de difficulté. Il y en a toujours un peu, mais c'est ça aussi le jeu, sortir de sa zone de confort !

Nous avançons vite, Hélène et Julien sont plutôt à l'aise et n'ont pas besoin de longues pauses. Tant mieux, je garde un rythme régulier, car à l'ouest, la tâche sombre c'est trasformée en train de cumulo-nimbus, qui arrosent déjà l'ain au niveau de Culoz. Nous voyons d'ici les traînées de pluie sur le Grand Colombier, le col des Princes. Pas question donc de traîner sur ce piton rocheux qui a l'habitude de prendre la foudre ! Heureusement, le vent sud-ouest pousse la perturbation vers le Jura, et nous restons en marge de cette dernière.

A 21h , après de nombreux faux-espoirs sur l'arête horizontale pour Hélène et Julien, nous atteignons le sommet. Nous ne serons pas embêté par l'orage ce soir. Nous prenons le temps de nous arrêter pour observer le bassin annécien. Au pied du Semnoz, les lumières d'Annecy nous rappelent que la nuit ne va pas tarder à tomber. Nous rejoignons le plancher des vaches, le sentier qui descent sur les Chalets du Sollier, puis la route raide qui suit la combe pour retrouver le hameau de Mont-Derrière. Contre toute attente, le ciel est partiellement dégagé, les étoiles brillent à travers quelques nuages. Dans la pénombre qui s'installe, dans le calme de la nuit, ne résonnent que les cloches des vaches dans les alpages. Nous nous arrêtons, et pensons à la chance que nous avons d'être ici, et d'avoir saisi cette chance, d'avoir sû être flexible et opportuniste. Moi particulièrement, je réalise le luxe de ma situation. Combien peuvent dire avoir un si beau travail ?

Nous concluons cette belle sortie du soir, ce coucher de soleil au sommet du Roc des Boeufs, par un bon pique-nique accompagné de bière et limoncello. Assis dans le halot de ma frontale qui éclaire depuis le coffre, nous savourons une pastèque et du pâté Henaff, qui sont à ce moment le plus beau festin que nous pouvions imaginer.



15 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page